Dans une époque marquée par l’urgence climatique, la montée des inégalités sociales et la remise en question des formes traditionnelles de gouvernance, Grenoble affirme un autre chemin : celui d’une ville en transition, portée par ses habitant-es.
Cette dynamique se manifeste de mille manières : dans les projets solidaires, les mobilisations locales, les événements culturels partagés… et, de plus en plus, dans les Chantiers Ouverts au Public (COP).
Ces chantiers participatifs, nés en 2018, ne sont pas qu’un outil d’aménagement urbain. Ils sont devenus un levier concret de transition démocratique, sociale et écologique, en redonnant aux habitant-es le pouvoir de faire la ville, de la transformer, de l’habiter autrement.
Des chantiers pas comme les autres : la ville comme terrain commun
Traditionnellement, les chantiers urbains apparaissent comme des espaces interdits, réservés à des expert-es, souvent déconnectés des usages quotidiens des habitant-es. À l’opposé, les COP reposent sur une logique d’ouverture, de dialogue, de co-construction. Tout part d’une idée : un-e habitant-e, une association, un groupe de voisin-es qui imaginent un aménagement pour leur quartier — un banc, une pergola, des jardinières, un jeu pour enfants, une fresque colorée… La Ville accompagne alors l’émergence de ce projet, en vérifiant sa faisabilité et en apportant un appui technique, logistique et parfois humain.
Ce qui fait la force des COP, ce n’est pas seulement leur accessibilité — chacun-e peut y participer, quel que soit son niveau de compétence — mais la façon dont ils reconfigurent la relation entre citoyen-nes, institutions et espace public. Ils font de la ville un espace à vivre, mais aussi à inventer collectivement.
Recréer du lien, retisser les solidarités locales
Au-delà de l’acte de construire, les COP sont aussi des moments de rencontre, de convivialité et de transmission. Sur un même chantier, se croisent souvent des générations, des cultures et des parcours différents. On y échange des savoir-faire, on y crée du lien.
À la Place des Géants, en mars 2019, une pergola a été réalisée avec l’aide du Jardin des Poucets. Au Rondeau, en 2019 puis 2021, deux COP ont permis de fabriquer du mobilier extérieur pour les résident-es, aménageant une véritable place de village. En 2023, sous le pont des Sablons, les passionné-es de glisse urbaine ont conçu leur propre skatepark. Plus récemment, une terrasse a été construite à la Maison de la Vie associative et citoyenne et un autre COP va commencer à la MJC des Eaux-Claires.
Chacun de ces projets raconte une histoire, mais tous partagent un même horizon : réenchanter l’espace public comme espace commun, vecteur de solidarité et de lien social. Dans une société parfois fragmentée, ces chantiers contribuent à restaurer une forme de communauté d’habitant-es, à l’échelle d’un immeuble, d’un quartier ou d’une rue.
Les COP sont également un outil de transition écologique. En végétalisant une cour, en construisant des jardinières, en rafraîchissant une façade avec des plantes grimpantes, les habitant-es participent à leur manière à l’adaptation de la ville au changement climatique. Et l’écologie des COP n’est pas seulement technique : elle est aussi culturelle. Elle invite à revoir notre rapport à la ville, non plus comme un décor figé ou un simple lieu de passage, mais comme un écosystème vivant à entretenir ensemble. Elle valorise la sobriété, le réemploi et l’attention à l’environnement proche. Elle replace le soin du territoire entre les mains de celles et ceux qui le vivent au quotidien.
Le printemps des transitions… au bout des doigts
Les transitions ne peuvent être imposées, elles se cultivent, se débattent et se célèbrent. Les COP incarnent précisément cette vision d’une démocratie vivante, enracinée dans les territoires, dans les rues, dans les gestes du quotidien.
En participant à un COP, les habitant-es deviennent actrices et acteurs de leur environnement. Ils ne se contentent pas de donner leur avis : ils agissent, construisent, transforment, avec leurs mains, leurs idées, leur énergie. C’est cette capacité à faire ensemble, à apprendre ensemble, à décider ensemble, qui nourrit une culture du pouvoir partagé, essentielle à toute transition démocratique réelle.
À Grenoble, le retour des beaux jours ne marque pas seulement la fin de l’hiver : il annonce un renouveau de l’esprit collectif. Dans les parcs, sur les places, dans les interstices urbains, les initiatives citoyennes refleurissent. Les COP incarnent ce souffle de renouveau : un printemps permanent de la participation, de la créativité, de l’action locale.
À travers chaque vis posée, chaque planche sciée, chaque graine plantée, c’est une autre ville qui prend forme — une ville vivante, inventive, résiliente, humaine. Une ville où la transition ne se vit pas comme une contrainte, mais comme une promesse partagée. Une ville qui appartient pleinement à celles et ceux qui l’habitent.
Et vous, quel sera votre prochain chantier ?