Le temps du développement durable est révolu, il faut désormais tout repenser. Le donut territorial permet de schématiser les limites planétaires et dessiner le chemin à emprunter. 3 questions à Antoine Back, adjoint aux Risques, Prospective et résilience territoriale, Évaluation et nouveaux indicateurs, sur le donut à Grenoble.
Les limites planétaires et le donut territorial : qu’est-ce que c’est ?
Antoine Back : Les limites planétaires ont été identifiées pour la première fois en 2009 dans un article scientifique qui traitait des entités concourant à maintenir un équilibre planétaire propice à la vie sur Terre. Ces limites, on peut certes les dépasser, mais cela rompt les équilibres physico-chimiques terrestres et provoque des effets d’emballement potentiellement incontrôlables. Mesurer ces limites permet de mieux quantifier et qualifier les effets de l’activité humaine sur notre environnement, le seul écosystème dans lequel l’humanité peut se développer.
Aux limites naturelles planétaires extérieures définies en 2009, l’économiste Kate Raworth propose en 2012 d’ajouter des limites sociales intérieures, correspondant aux besoins humains essentiels pour le bien-vivre. Il s’agit ici de dépasser la notion de développement durable, datant déjà de 40 ans et ayant montré son inefficacité : il ne s’agit plus seulement de tenter de limiter notre impact environnemental, mais de basculer dans une économie de la régénération pour “atterrir” collectivement dans un espace socialement juste et environnementalement sûr, entre “plancher social” et “plafond environnemental”, ici représenté sous forme d’un donut.
Voilà pour la théorie, l’enjeu étant désormais de retranscrire ce donut à l’échelle de notre territoire.
Quelles sont les limites d’ores et déjà atteintes ?
Antoine Back : Les 9 limites planétaires sont :
- le changement climatique ;
- l’érosion de la biodiversité ;
- la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore ;
- le changement d’usage des sols ;
- le cycle de l’eau douce ;
- l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère ;
- l’acidification des océans ;
- l’appauvrissement de la couche d’ozone ;
- l’augmentation de la présence d’aérosols dans l’atmosphère.
En septembre 2023, seules les trois dernières limites n’avaient pas été franchies. Notre planète se trouve aujourd’hui au-delà d’un espace de fonctionnement sûr pour l’humanité et pour le vivant, d’autant plus que certains dépassements interagissent entre eux, avec des effets cumulatifs voire exponentiels. Le donut est une boussole essentielle pour organiser et planifier le changement, avant que celui-ci ne s’impose à nous de façon incontrôlable et extrêmement désagréable.
Qu’est-ce qu’on fait à Grenoble pour avoir l’impact le plus positif possible ?
Antoine Back : À Grenoble, nous tâchons de transformer ces idéaux et ces concepts en outils opérationnels, qui nous servent au quotidien. La démarche Grenoble 2040 comporte trois volets : la visualisation, la planification, la sécurisation.
Visualiser où nous en sommes et où nous voulons aller, grâce au donut.
Planifier le chemin pour atterrir, au niveau local, dans cet espace juste et sûr pour toutes et tous.
Sécuriser cette itinérance collective avec une stratégie de résilience qui nous permettra de conserver notre capacité d’agir malgré les heurts, les chocs et les potentielles ruptures que nous réserve l’Anthropocène.
Nous mobilisons les outils de la prospective, de l’observation et de l’évaluation, de la gestion des risques, de la participation citoyenne et du monde académique comme des acteurs culturels. Et quand parfois nous sommes assailli-es par les mauvaises nouvelles du climat, du vivant et de la société, cette perspective donne un cap enthousiasmant à notre collectivité !
Au fur et à mesure de leurs révisions, les différents plans de la Ville de Grenoble (ex: Plan Climat Air Énergie, Schéma de Promotion des Achats Publics Socialement et Écologiquement Responsables) s’inscrivent dans ce donut territorial de Grenoble, dont une version affinée sera dévoilée à la fin du printemps.
