Conseil MunicipalDémocratie ouverte

Vœu : Pour une légalisation des dispositifs de démocratie participative innovants

Lors du conseil municipal du 14 Juin 2021, le groupe Grenoble en Commun a demandé au Gouvernement, à travers un vœu,  de proposer une loi ambitieuse encadrant les principes et l’application de la démocratie participative, au niveau de l’État et des collectivités locales.

 

Depuis les premières expérimentations de Porto Allegre à la fin des années 70, les démarches de participation des citoyen-nes dans les choix publics et budgétaires se sont développées dans de nombreux pays dans le monde. Selon les ambitions locales, cette envie d’association des citoyen-nes à la décision peut revêtir des formes diverses : votations, jurys citoyens, référendums d’initiative citoyenne, budgets participatifs…

En France, les budgets participatifs sont un bel exemple de ce renouvellement des pratiques : alors que seules 7 collectivités en avaient mis en place en 2014, elles sont plus de 170 aujourd’hui, en 2021. Ce développement très important révèle un phénomène de fond : l’appétence tant politique que citoyenne pour une démocratie renouvelée et plus directe. En conclusion du Grand débat national, après une forte mobilisation des Gilets jaunes, le chef de l’État s’était lui-même engagé à mettre en place le Référendum d’initiative citoyenne (RIC) à l’échelle locale. Par ailleurs, durant les dernières élections municipales, de nombreuses listes de tous bords ont fait campagne en promettant une démocratie plus ouverte et participative.

Pourtant, cet engouement est freiné par un cadre législatif national obsolète, limitant l’innovation démocratique et freinant les initiatives participatives. En 2021, le cadre juridique français est encore très contraignant en matière de démocratie directe. Ainsi, le droit de pétition et le référendum local sont deux pratiques légalement restrictives, ce qui rend ces dispositifs pas ou peu utilisés. De même, une collectivité locale ne peut légalement pas déléguer son pouvoir de décision budgétaire ou exécutif, rendant illégal tout dispositif permettant véritablement un partage du pouvoir décisionnel. Cette fragilité est identifiée par de nombreux acteurs-trices de la démocratie participative. Elle a été dernièrement citée dans un avis sur le projet de loi de finances pour 2020 sur les relations avec les collectivités territoriales émis par la députée Émilie Guerel. Ce cadre restrictif a pour effet de produire un phénomène de bricolage juridique par les collectivités qui mettent en place des dispositifs ambitieux de démocratie participative sur leur territoire. Au point qu’aujourd’hui, faire décider les citoyen-nes ou les faire participer aux processus décisionnels entraîne, pour ces mêmes collectivités, des risques juridiques réels.

L’exemple grenoblois est éloquent. En 2016, la Ville de Grenoble lançait un dispositif d’interpellation et de votation d’initiative citoyenne permettant la tenue d’un débat en Conseil municipal pour les pétitions ayant reçu plus de 2 000 signatures. Suite à ce débat, le Maire pouvait alors proposer de mettre en œuvre l’initiative citoyenne ou de la soumettre à l’avis des Grenoblois-es dans le cadre d’une votation citoyenne organisée par la Ville au moins une fois par an. Ce dispositif impliquait une obligation de mise en application d’une décision citoyenne en fonction des résultats de la votation. Suite à un recours préfectoral, le Tribunal administratif a requalifié ce dispositif en référendum local, l’annulant par conséquent en 2018. Pourtant, c’est grâce à cet outil innovant que la Ville de Grenoble avait reçu, en 2017, le prix de la participation et de la concertation.

Ailleurs, d’autres dispositifs de pétition eux aussi plus ambitieux que le cadre légal ont été annulés, à l’instar de ceux de la région Rhône Alpes en 2012 et celui du département de l’Essonne en 2014. Pourtant dans beaucoup d’autres collectivités, des dispositifs similaires sont toujours à l’œuvre sans avoir fait l’objet d’un recours. Quel paradoxe ! Partout localement, on voit émerger des expérimentations démocratiques innovantes, stoppées au gré des contextes locaux, du fait d’un manque de cadre légal ambitieux pour une vie démocratique au plus près des habitant-es.

Ainsi,

Considérant le contexte de forte défiance vis-à-vis à la fois des institutions et de la démocratie,

Considérant l’appétence des collectivités, des institutions, des citoyen-nes à une démocratie plus directe, plus concrète et plus accessible,

Considérant enfin que le cadre légal actuel entrave une vie démocratique locale riche et diversifiée, contraignant les collectivités à bricoler des dispositifs fragiles pouvant être brisés à tout moment.

Le Conseil municipal de la Ville de […] demande au Gouvernement :

  • D’engager un travail prospectif permettant de libérer les collectivités territoriales du carcan administratif qui bloque aujourd’hui les dispositifs de démocratie participative, en associant les organisations publiques et associatives déjà engagées sur le sujet (ANCT, Banque des Territoires, CNDP, chercheurs et associations) ;
  • D’intégrer à son 3ème plan d’action dans le cadre du partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO) un engagement visant à libérer et soutenir les innovations démocratiques locales ;
  • De proposer une loi ambitieuse encadrant les principes et l’application de la démocratie participative, au niveau de l’Etat et des collectivités locales ;
  • De permettre aux collectivités de mettre en place des outils innovants en matière d’interpellation citoyenne, notamment des outils de pétition, de référendum et de votation d’initiative citoyenne plus ouverts, inclusifs et applicables.

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Vœu soutenu par l’association Démocratie Ouverte : “Nous invitons toutes les collectivités et tous-tes les élu-es locaux-ales qui souhaitent améliorer le fonctionnement de la démocratie locale à adopter ce vœu”.

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